MARY SHELLEY
Frankenstein ou le Prométhée moderne (1818)
Frankenstein ou le Prométhée moderne (1818)
Frankenstein ou le Prométhée moderne (Frankenstein; or, The Modern Prometheus) est un roman épistolaire publié anonymement le 1 janvier 1818 par Mary Shelley (1797-1851), et traduit pour la première fois en français par Jules Saladin, en 1821. Il relate la création par un jeune savant suisse, Victor Frankenstein, d'un être vivant assemblé avec des parties de chairs mortes. Horrifié par l'aspect hideux de l'être auquel il a donné la vie, Frankenstein abandonne son « monstre ». Mais ce dernier, doué d'intelligence, se venge par la suite d'avoir été rejeté par son créateur et persécuté par la société.
Ce roman explore les dangers de la quête de savoir scientifique et technique. Victor Frankenstein incarne l’ingénieur prométhéen, dépassant les limites de l’éthique pour créer la vie à travers la science. Il se livre à des expériences sur le vivant, combinant des principes de biologie, d’électricité et de mécanique, ce qui en fait une figure pionnière de l’ingénierie biomédicale.
Shelley offre une réflexion intemporelle sur les risques éthiques de l’ingénierie et de la science avec une œuvre qui questionne la responsabilité des ingénieurs et scientifiques face à leurs créations.
Chapitre 4
Un être humain qui connaît la perfection devrait toujours garder l'esprit calme et paisible, et ne jamais laisser la passion ou un désir transitoire perturber sa quiétude. Je ne pense pas que la quête du savoir fasse exception à cette règle.
Si l'étude à laquelle on se livre a tendance à affaiblir les affections et à détruire le goût de ces plaisirs simples auxquels nul alliage ne saurait se mêler, alors cette étude est à coup sûr illégitime, à savoir qu'elle ne sied point à l'esprit humain.
Chapitre 10
Hélas ! Pourquoi l'homme se glorifie-t-il de posséder une sensibilité supérieure à celle qui se manifeste chez l'animal ? Cela ne sert qu'à faire de lui un être davantage privé de liberté. Si nos impulsions se limitaient à la faim, à la soif et au désir, nous serions peut-être quasiment libres ; or nous sommes mus par le moindre vent qui se met à souffler, par un mot rencontré au hasard, ou par un paysage que ce mot nous vient suggérer.
Au repos, un rêve peut empoisonner le sommeil.
Au lever, une seule pensée vagabonde pollue notre journée.
Sentir, penser, raisonner ; rire ou pleurer,
Faire nôtre un doux chagrin, ou bannir nos soucis ;
C'est la même chose car, qu'elle soit joie ou tristesse, La voie de son départ est toujours libre.
Hier ne peut jamais ressembler à demain ;
Rien n'est pérenne, sauf la mutabilité.
(traduction Alain Morvan, Gallimard, 2014)