Supplément Science-Fiction
par Francis Beaubois
par Francis Beaubois
Célèbre utopie scientifique, sorte de fiction astronautique originale qui décrit l'arrivée sur terre d'un habitant de Mercure dans une machine volante électrique, dont la description est considérée comme la première anticipation de la dynamo. Cet étonnant aérostat décrit et représenté en frontispice est aussi considéré comme la première machine volante « électrique ». Louis-Guillaume de La Folie (1739-1780) était chimiste et auteur de plusieurs innovations en matière de vernis et teintures. L'habitant de Mercure donne d'ailleurs ici de nombreuses explications concernant l'alchimie, l'électricité, la gravitation, la géologie, les tremblements de terre, etc.
Chapitre 3
Je calculais, je réfléchissais en moi même que l'écart des leviers pour former une résistance suffisante, c'est-à-dire, pour embrasser un grand volume d'air, exigeait une force ou puissance considérable ; qu'en conséquence le point d'appui de cette force ou puissance devait être d'une matière très-solide, & que la pesanteur spécifique de cette matière devant donc être augmentée proportionnellement, il était impossible que pareille mécanique s'élevât. Enfin je me figurais une machine avec des ailes, telle à-peu-près que tu as pu voir chez toi ce Char canonical, dont le phaëton fut étampé par terre ; lais ! quelle fut ma surprise, lorsque arrivé sur la plate-forme, je vis deux globes de verre de trois pieds de diamètre, montés au-dessus d'un petit siège assez commode. Quatre montants de bois couverts de lame de verre soutenaient ces deux globes. Dans l'intervalle de ces montants parais soient quelques ressorts que je jugeai devoir donner le mouvement aux deux globes. La pièce inférieure qui servait de soutien & de base au siège, était un plateau enduit de camphre & couvert de feuilles d'or. Le tout était entouré de fils de métal. Aussitôt que j'eu aperçu cette machine électrique d'une nouvelle forme, je devins moins incrédule sur la réussite de Scintilla. […] Enfin, il n'y eut bientôt plus aucuns doutes à former. Scintilla, dont le corps était aussi alerte que l'imagination, monte lestement sur sa mécanique &, poussant promptement une détente, nous vîmes les deux globes tourner avec une rapidité prodigieuse. Messieurs, dit-il, vous voyez que pour m'élever en l'air, mon principal moyen est d'annuler au-dessus de ma tête la pression de l'atmosphère. Observez-que la percussion de la lumière agit actuellement au-dessous de ma mécanique. C'est elle qui va m'enlever sans beaucoup d'efforts, & maître du mouvement de mes globes, je descendrai ou monterai en telle proportion qu'il me plaira. Vous voyez encore... Mais nous ne l'entendions plus. Sa machine, entourée tout à coup d'un cercle lumineux, s'était enlevée avec la plus grande vitesse. Jamais spectacle si nouveau & si beau ne s'offrit à nos yeux... Nous le vîmes pendant quelque temps rester immobile, puis redescendre, puis s'élever de nouveau. Enfin nous le perdîmes de vue.
Avant d'être considéré comme un des grands écrivains de Science-Fiction Arthur Charles Clarke (1917-2008) fut d'abord un ingénieur et inventeur britannique. Ainsi participe-t-il durant la Seconde Guerre mondiale à l'élaboration d'un système d'alerte radar pour la RAF et après-guerre fut-il un de ceux qui développèrent le concept de satellite artificiel géostationnaire utilisé nortamment pour les télécommunications.
Ecrivain, il publie ses premières œuvres au début des années 1950. En 1968, il signe 2001 : A Space Odyssey (2001 : l'Odyssée de l'espace) qui sera adapté la même année au cinéma par Stanley Kubrick, lui assurant une célébrité internationale. En 1978 il publie The Fountains of Paradise (Les Fontaines du paradis) dans lequel il imagine le concept d'ascenseur spactial.
Chapitre 9 - Un filament
— Vous m’avez presque donné une crise cardiaque, dit Rajasinghe d’un ton accusateur, en versant le café matinal. J’ai d’abord pensé que vous aviez une sorte d’appareil antigravité – mais, même moi, je sais que c’est impossible. Comment avez-vous fait ?
— Toutes mes excuses, répondit Morgan avec un sourire. Si j’avais su que vous m’observiez, je vous aurais averti – bien que toute l’opération n’ait nullement été préméditée. Je n’avais que l’intention de faire l’ascension du Rocher, mais, là-haut, j’ai été intrigué par ce banc de pierre. Je me suis demandé pourquoi il était au bord de l’escarpement et je me suis mis à chercher.
— Il n’y a absolument pas de mystère. À un certain moment, il existait là un plancher, probablement en bois, qui s’avançait en dehors du sommet, avec un escalier descendant jusqu’aux fresques. On peut encore voir dans le roc les entailles où il était fixé à la paroi.
— C’est ce que j’ai découvert, dit Morgan un peu mélancolique. J’aurais pu deviner que quelqu’un aurait déjà trouvé ça.
« Depuis deux cent cinquante ans, pensa Rajasinghe. Cet Anglais, aussi fou qu’énergique, Arnold Lethbridge, le premier directeur de l’Archéologie de Taprobane. Il était descendu le long de la paroi du Rocher, exactement comme vous. Bon, pas exactement…»
Morgan avait à présent sorti la boîte métallique qui lui avait permis d’accomplir son exploit miraculeux. Elle n’avait de particulier que quelques boutons et une petite fenêtre d’affichage ; elle ressemblait tout à fait à un genre très simple d’appareil de communication.
— Voilà, dit-il fièrement. Puisque vous m’avez vu faire une promenade verticale d’une centaine de mètres, vous, devez avoir une très bonne idée de son fonctionnement.
— Le bon sens m’a fourni une réponse mais mon excellent télescope ne l’a pas confirmée. J’aurais pu jurer qu’il n’y avait absolument rien qui vous soutenait.
— Ce n’était pas la démonstration dont j’avais eu l’intention mais elle doit avoir produit son effet. À présent, que je vous fasse ma démonstration habituelle… Passez, s’il vous plaît, votre doigt dans cet anneau.
Rajasinghe hésita ; Morgan tenait le petit cercle de métal – d’une grandeur à peu près double de celle d’une alliance ordinaire – presque comme s’il était électrisé.
— Est-ce que cela va me donner un choc ?
— Pas un choc… mais peut-être une surprise. Essayez de me l’arracher des mains.
Plutôt avec circonspection, Rajasinghe saisit l’anneau… et le laissa presque tomber. Car il semblait vivant, il l’attirait vers Morgan… ou plutôt vers la boîte que l’ingénieur tenait à la main. Puis la boîte émit un léger bruissement et Rajasinghe sentit son doigt tiré en avant par quelque force mystérieuse. Magnétisme ? se demanda-t-il. Non, bien sûr ; aucun aimant ne pouvait agir de cette façon. Sa théorie provisoire mais improbable était correcte ; en fait, il n’y avait pas d’autre explication. Ils étaient en train de se livrer à une lutte à la corde tout à fait nette… mais avec une corde invisible.
Quoique Rajasinghe s’y efforçât de tous ses yeux, il ne pouvait voir aucune trace d’un fil organique ou métallique reliant l’anneau dans lequel son doigt était accroché et la boîte que Morgan manœuvrait comme un pêcheur remontant un poisson. Il tendit sa main libre pour explorer l’espace apparemment libre, mais l’ingénieur l’écarta d’un geste rapide.
— Désolé ! fit-il. Tout le monde essaie de faire cela, dès qu’on se rend compte de ce qu’il se passe. Vous pourriez vous couper très sérieusement.
— Donc, vous avez bien un fil invisible. Très ingénieux… mais à quoi cela sert-il, à part comme art d’agrément ?
Morgan eut un léger sourire.
— Je ne peux pas vous reprocher d’être arrivé trop vite à cette conclusion ; c’est la réaction habituelle. Mais elle est tout à fait fausse ; la raison pour laquelle vous ne pouvez pas voir ce fil vient de ce qu’il n’a que quelques microns d’épaisseur. Beaucoup plus fin qu’un fil d’araignée.
Pour une fois, se dit Rajasinghe en lui-même, une comparaison éculée était pleinement justifiée.
— C’est… incroyable. Qu’est-ce que c’est ?
— Le résultat d’environ deux cents ans de physique de l’état solide. Pour tout le bien que cette explication peut faire – c’est un cristal continu de diamant pseudo-unidimensionnel – quoique ce ne soit pas réellement du carbone pur. Il contient des traces de plusieurs éléments en quantité minutieusement contrôlée. Il ne peut être produit que dans les laboratoires orbitaux où il n’y a pas de pesanteur qui en gêne le processus de croissance.
— Passionnant, murmura Rajasinghe, presque pour lui-même.
Il tira à petits coups sur l’anneau accroché à son doigt, pour vérifier que sa traction était toujours là et qu’il n’avait pas des hallucinations.
— Je peux me rendre compte que cela peut avoir toutes sortes d’applications techniques. Cela ferait un magnifique fil à couper le beurre…
Morgan se mit à rire.
— Un homme peut couper un arbre avec, en deux minutes. Mais ce filament est délicat à manier – et même dangereux. Il nous a fallu inventer des enrouleurs-dévideurs spéciaux – nous les appelons des « mini-bobineuses ». Cette boîte en est une, motorisée, destinée aux démonstrations. Son moteur peut soulever deux cents kilos et je lui trouve toujours de nouveaux usages. Le petit exploit d’aujourd’hui n’était pas le premier, en aucune façon.
Presque à regret, Rajasinghe retira son doigt de l’anneau. Celui-ci commença à tomber puis se mit à se balancer sans aucun moyen visible de suspension jusqu’à ce que Morgan appuie sur un bouton et que la mini-bobineuse l’enroule avec un léger ronronnement.
— Vous n’avez pas fait tout ce voyage, Dr Morgan, pour simplement m’impressionner avec cette dernière merveille de la science – bien que je sois vraiment impressionné. J’aimerais savoir ce que tout cela a à faire avec moi.
— Beaucoup de choses, monsieur l’Ambassadeur, répondit l’ingénieur soudain aussi sérieux que protocolaire. Vous êtes tout à fait dans le vrai en pensant que ce produit aura de nombreuses applications dont nous commençons seulement à entrevoir quelques-unes. Et l’une d’elles, pour le meilleur ou pour le pire, va faire de cette petite île le centre du monde. Non… pas seulement du monde. De tout le système solaire. Grâce à ce filament, Taprobane sera la plate-forme de départ vers toutes les planètes. Et un jour, peut-être… les étoiles.
(traduction Georges H. Gallet, Éditions Albin Michel, 1980
Neuromancien est généralement considéré comme le roman fondateur du mouvement cyberpunk, ayant inspiré bon nombre d'œuvres telles que le manga Ghost in the Shell et le film Matrix. Il a notamment remporté le prix Nebula du meilleur roman 1984.
Une dystopie de type cyberpunk : un monde futuriste où règne le capitalisme le plus débridé, gouverné par des mégacorporations et où les drogues de synthèse et les augmentations physiques (cybernétiques) sont omniprésentes.
Dans cet univers, les « cowboys » du cyberespace (des pirates informatiques) se connectent au réseau informatique global, surnommé la « Matrice » (the matrix en VO), grâce à leur console à laquelle ils sont reliés par des électrodes fixées sur le crâne, ce qui leur permet d'avoir une perception visuelle et sensorielle des données numériques qui composent la Matrice.
Première Partie - Le blues de Chiba
Case avait vingt-quatre ans. À vingt-deux, il était un cow-boy, un braqueur, l’un des tout bons de Zone. Sa formation, il la tenait des meilleurs, les McCoy Pauley et autres Bobby Quine, des légendes dans le métier. Il avait opéré en trip d’adrénaline pratiquement permanent, un sous-produit de la jeunesse et de la compétence, branché sur une platine de cyberspace maison qui projetait sa conscience désincarnée au sein de l’hallucination consensuelle qu’était la matrice. Voleur, il avait travaillé pour d’autres voleurs plus riches, des employeurs qui lui fourguaient le logiciel bien particulier requis pour pénétrer les murs brillants des réseaux de grosses sociétés, pour tailler des ouvertures dans de riches champs de données.
Il avait commis l’erreur classique, celle qu’il s’était juré de ne jamais faire. Il avait piqué à ses employeurs. Il avait étouffé une bricole et cherché à la sortir par un fourgue à Amsterdam. Il ne savait pas encore au juste comment ils l’avaient chopé, non que cela eût de l’importance à présent. Il s’était alors attendu à mourir, mais ils s’étaient contentés de sourire. Bien sûr, qu’il était libre d’entrer, lui avaient-ils dit, libre de taper dans le fric. Surtout qu’il allait en avoir besoin. Parce que – et ils souriaient toujours – ils allaient bien veiller à ce qu’il ne travaille plus jamais.
Ils lui endommagèrent le système nerveux avec une mycotoxine russe héritée de la guerre.
Ficelé sur un lit dans un hôtel de Memphis, il hallucina pendant trente heures tandis que son talent se consumait micron par micron.
Le dommage fut minime, subtil et parfaitement efficace.
Pour Case, qui n’avait vécu que pour l’exultation désincarnée du cyberspace, ce fut la Chute. Dans les bars qu’il fréquentait du temps de sa gloire, l’attitude élitiste exigeait un certain mépris pour la chair. Le corps, c’était de la viande. Case était tombé dans la prison de sa propre chair.
(traduction Jean Bonnefoy, La découverte, 1984)
L'Âge de diamant est un roman de science-fiction qui s'apparente également au genre du roman d'apprentissage, en racontant l'évolution d'une jeune fille défavorisée qui vit dans un monde dont tous les aspects sont déterminés par les nanotechnologies. La thématique du roman exploite aussi bien des problèmes d'éducation ou de classes sociales que le tribalisme culturel, en passant par les possibles réponses sociétales à un monde en proie à de grands changements technologiques.
Premières expériences de Nell avec le Manuel
Le livre avait une voix de contralto superbe et il parlait avec un accent digne des Vickys les mieux éduqués. La voix était celle d’une personne réelle – même si elle était bien loin de toutes celles que Nell connaissait. Elle s’élevait et retombait comme un lent ressac sur une plage tropicale et, quand Nell fermait les yeux, elle l’emportait sur un océan de sensations.
Il était une fois une petite princesse appelée Nell, qui était emprisonnée dans un grand Château noir sur une île au milieu d’un vaste océan, avec un petit garçon appelé Harv, qui était son ami et son protecteur. Elle avait aussi quatre amis intimes, dénommés Dinosaure, Canard, Peter Rabbit et Pourpre.
Harv et la princesse Nell ne pouvaient pas quitter le Château noir, mais de temps en temps, un Corbeau venait leur rendre visite…
« C’est quoi, un corbeau ? » dit Nell.
L’illustration était une peinture haute en couleurs, montrant une île vue du ciel. L’île pivota vers le bas et sortit de l’image, se muant en un panorama sur l’océan à l’horizon. Au milieu, un point noir. L’image zooma sur le point noir, qui se révéla un oiseau. De grosses lettres apparurent en dessous. « C-O-R-B-E-A-U, dit le livre. Corbeau. Maintenant, répète après moi.
— Corbeau.
— Très bien. Nell, tu es une petite fille intelligente et tu sais faire plein de choses avec les mots. Peux-tu m’épeler le mot corbeau ? »
Nell hésita. Elle était encore toute rouge du compliment. Au bout de quelques secondes, la première lettre se mit à clignoter. Nell la toucha.
La lettre grossit jusqu’à repousser toutes les autres lettres ainsi que les illustrations hors des limites de la page. La boucle s’épaissit et se mit à tourner. « C comme Courir », dit le livre. L’image poursuivit sa métamorphose et devint une image de Nell qui courait. Bientôt, apparurent sous ses pieds des taches multicolores. « Nell Court sur des Cailloux Colorés », dit le livre, et tandis qu’il parlait de nouveaux mots apparurent.
« Pourquoi est-ce qu’elle court ?
— Parce qu’une Oie Odieuse l’y a Obligée », dit le livre, qui élargit l’image pour révéler un volatile jacassant, mais son agitation n’avait rien de bien redoutable pour l’agile Nell. L’oie, déçue, s’aplatit en cachant son cou sous son aile et sa silhouette dessina une nouvelle lettre, minuscule. « O comme Oie. Rebutée, l’oie Renonce et se Recouche, Ridiculisée par la Rapidité de la Réaction de Nell. »
L’histoire se poursuivit, pour inclure un Beau Berger Bouche Bée devant un Étrange Elfe Excité qui Apprivoisait un Agile Alligator Unijambiste en Uniforme. Puis l’image du corbeau revint, avec les lettres écrites en dessous « Corbeau. Peux-tu épeler corbeau, Nell ? » Une main se matérialisa sur la page et pointa vers la première lettre.
« C, dit Nell.
— Très bien ! Tu es une petite fille intelligente, Nell, et bonne en écriture », dit le livre. Puis il pointa vers la seconde : « Quelle est cette lettre ? » Celle-ci, Nell l’avait oubliée. Mais le livre lui raconta l’histoire d’un Ouistiti Orange nommé Oscar.
(traduction Jean Bonnefoy, Éditions Fayot & Rivage, 1996)